La rivale
La Rivale est un court roman qui se déroule principalement à la Scala de Milan, haut lieu de l'opéra. L'histoire est narrée à travers les yeux d'Enzo, un jeune guide touristique passionné d'opéra, élevé dans l'amour de la musique lyrique par son grand-père. Lors d'une visite guidée du théâtre, Enzo rencontre une vieille dame excentrique et acariâtre nommée Carlotta Berlumi, dont le nom n'évoque rien à personne. Celle-ci se présente comme l'ancienne grande rivale de Maria Callas, la légendaire diva grecque.Carlotta, avec une langue acide et une jalousie non dissimulée, raconte à Enzo son prétendu passé glorieux : elle affirme avoir été une soprano talentueuse à la Scala dans les années 1950, éclipsée par les "manœuvres et combines" de Callas, qu'elle décrit comme une "grosse Grecque mal fagotée" et manipulatrice. Selon elle, Callas l'a volé la vedette, saboté sa carrière et précipité sa chute, tandis qu'elle-même aurait contribué à la dégringolade de la diva. Enzo, d'abord sceptique, devient peu à peu le confident de cette femme cocasse, qui prend ses désirs pour des réalités et utilise Callas comme bouc émissaire de ses échecs. À travers ces anecdotes, le récit retrace en filigrane l'ascension fulgurante de Maria Callas, ses rôles emblématiques et l'impact révolutionnaire qu'elle a eu sur le monde de l'opéra, marquant un "avant" et un "après-Callas".Le roman se lit d'une traite, comme un conte malicieux, mêlant humour, suspense psychologique et évocations lyriques, sans jamais sombrer dans la biographie pure.
Analyse
La Rivale est un hommage déguisé et irrévérencieux à Maria Callas, présenté non pas par un biographe admiratif, mais par le prisme déformant d'une narratrice jalouse et aigrie. Éric-Emmanuel Schmitt, connu pour son amour de l'opéra et son style fluide, alerte et philosophique utilise ici l'antithèse comme procédé narratif maître : en "prêchant le faux" par la bouche de Carlotta, il obtient le "vrai" sur la diva. Cette rivale inventée, caricaturale et pathétique, sert de miroir inversé pour révéler la grandeur de Callas comparable à celui d'une star de cinéma. Le portrait en creux est saisissant : on y décèle les caprices de la diva, ses rivalités réelles, mais aussi son génie qui "chope toute la lumière et condamne les autres à l'oubli".
Thèmes principaux
- La jalousie et l'ego dans le monde de l'art : Schmitt explore avec malice les coulisses impitoyables de l'opéra, où la compétition féroce entre cantatrices mène à des rancunes éternelles. Carlotta incarne le raté amer qui rationalise ses frustrations en blâmant une "autre", soulignant comment la gloire des uns masque les échecs des autres.
- La mémoire défaillante et la vérité subjective : La "mémoire malade" de Carlotta questionne la fiabilité des récits personnels. Prend-elle ses rêves pour des faits ? Ce doute infuse une couche philosophique typique de Schmitt, invitant le lecteur à distinguer le mythe (Callas la légende) de la réalité (une femme complexe, meurtrie).
- L'hommage à l'opéra et à Callas : Pour les mélomanes, le livre est un régal : il évoque avec passion les airs iconiques et l'innovation de Callas, qui a révolutionné l'interprétation en y injectant émotion et modernité. C'est aussi un clin d'œil au centenaire de la diva, Schmitt y voyant une figure spirituelle, presque mystique.
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