Les romans-feuilletons


Dès le début du XIXème siècle, le rez-de-chaussée des journaux, bande en bas du journal, occupant 1/3 de la page, sur les 3 à 4 premières pages du journal, est consacré à la culture et à la littérature. 

Alors que la littérature était disponible que dans des revues spécialisées ou reléguée dans les dernières pages des journaux généralistes. À partir de 1830, la littérature s'invite dans le rez-de-chaussée de la presse, y compris en Une. Pour fidéliser leur public et augmenter leurs ventes, la presse va diffuser dans ses numéros des extraits de romans dont la suite paraît le lendemain, les classes populaires vont se passionner pour ce modèle de journaux.

Émile de Gérardin va être précurseur dans le développement des romans-feuilletons. Il constate que les classes populaires achètent les journaux de manière occasionnelle, dû au prix de la presse. Il va baisser le prix de son journal pour que ce soit une charge moins importante sur leurs revenus. 

Bien que soutenant la monarchie de Juillet, Gérardin tente et réussi à divulguer son opinion politique dans son journal La presse. Tandis que les autres grands journaux de l'époque s'inscrivent dans la ligne d'un parti ou d'une idéologie. Le journal des débats est de tendance conservatrice.

Les romans-feuilletons créent un lien social fort, dans certaines communes, on se prête le journal ou des lectures publiques sont organisées afin que chacun découvre l'extrait du jour. On retrouve également des cabinets de lecture, l'adhérent paie pour accéder à ses cabinets et peut consulter différents journaux et ainsi avoir accès à plusieurs romans-feuilletons. Ces cabinets sont des sortes de bibliothèques privées.

Le roman-feuilleton n'est pas une pré-publication du roman en livre classique. Ceux qui le souhaitent peuvent très bien se procurer le roman en librairie, ils n'ont pas à attendre que la totalité de l'œuvre soit dévoilée dans la presse.

Bien que certains auteurs publient à la fois dans la presse et se font éditer leurs romans. D'autres auteurs écrivent uniquement des romans-feuilletons et leurs textes ne seront pas édités. Ce qui crée un gouffre entre les auteurs les plus lus et édités et ceux moins côtés. Les auteurs ne peuvent publier le même roman-feuilleton que chez un seul et unique journal. Alors qu'un journal, dans la même édition, peut publier 2 à 3 romans-feuilletons.

Par contre, les différents journaux publiant des romans-feuilletons s'arrogent le droit de cesser la diffusion d'un récit de fiction si les ventes ne suivent pas et donc que le lectorat ne répond pas présent. En 1844, Balzac publie Les paysans dans le journal La presse, devant le mécontentement des lecteurs trouvant le roman trop ennuyeux, le journal cesse la publication et le remplace par La Reine Margot de Dumas. 

Le roman-feuilleton qui rencontrera le plus de succès est sans conteste Les Mystères de Paris d'Eugène Sue, publié en 1842-1843. Les ventes grimpent en flèche et tous les ingrédients sont réunis pour rassembler la population des quartiers populaires, de l'argot, de la violence, les bas-fonds parisiens, du suspens... En 1954, l'œuvre sera adaptée à la radio.

Eugène Sue qui vient de la haute société parisienne, considéré comme un dandy, va radicalement changer au contact de ses lecteurs et adhérer à des idéaux plutôt socialistes. Son roman-feuilleton suivant n'est d'autre que Le Juif errant, publié en 1844 fait écho aux luttes sociales de l'époque (l'organisation du travail, l'accès à la justice pour les pauvres, rapport entre crimes et pauvretés...) 

L'un des reproches les plus fréquents faits au genre du roman-feuilleton est d'être de la littérature mercantile. Le journal La mode ira jusqu'à considérer qu'il s'agit d'une littérature d'épicier et qu'une littérature qui s'adresse à tous est de la mauvaise littérature. À noter également que dans les journaux, les romans-feuilletons ont volé la place jadis consacré à la critique littéraire, ce qui explique le ton acerbe. 

À partir de 1850, le roman-feuilleton connaît un véritable tournant. Il n'est plus politique, il est conservateur et ne s'oppose plus au pouvoir, il a un simple rôle de divertissement, ce qui en change l'écriture, de plus une nouvelle génération d'auteurs arrive. C'est ainsi qu'apparaissent des personnages comme Arsène Lupin, Fantomas ou encore Rocambole. 

A la fin du XIXème siècle, les journaux atteignent des scores de tirage remarquables jusqu'à 6 millions d'exemplaires par jour, pour tous les grands journaux de l'époque, individuellement. La presse écrite est à cette époque le support culturel préférentiel de chacun des citoyens. 


https://youtu.be/KCiOB0_swAo

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