Le périple homérique de l'écriture

Les premières écritures apparaissent il y a 5000 années. Alors que nos ancêtres homo-sapiens sont sur terre depuis 300000 ans. Durant cette longue période, l'être humain a transmis ses savoirs sans lire ni écrire, uniquement par la parole. 

En Mésopotamie, les sumériens avaient des cités États avec toute une administration et l'agriculture était une pièce centrale. Très vite, les sumériens ont ressenti le besoin de tenir des registres. Il fallait aux sumériens comptabiliser la production alimentaire, afin de prélever les taxes et la distribuer aux villes. À l'aide de tablettes en argile, les sumériens vont dresser des inventaires. Ils utilisent ce qui est communément appelé l'écriture rébus ou écriture cunéiforme, pour un mot ils emploient plusieurs symboles représentant un objet pour une syllabe. 


C'est en s'appuyant sur ce modèle que les égyptiens vont mettre au jour les hiéroglyphes. La palette de Narmer l'illustre parfaitement. Le nom du roi Narmer qui unifia l'Égypte et en devint le premier pharaon, voit son nom écrit en hiéroglyphes, en suivant le principe du rébus.


Néanmoins, il existe plus de 800 hiéroglyphes et la plupart ont minimum deux sens bien distincts, ce qui est profondément complexe pour en décrypter le sens donné par le scribe. Il s'agit des prémices de l'écriture. 

Pour le travail, des cananéens vont migrer sur une courte période en Égypte. Ces cananéens vont réduire le nombre de caractères employés, tout en s'appuyant sur le système de rébus utilisés par les Égyptiens. Ils n'utilisent pas le son du mot en entier mais seulement une partie, une syllabe du début du mot. Ce qui réduit le nombre de caractères à une trentaine. Ce sont les prémices de l'alphabet. A leur retour, à Canaan, les cananéens répandent leur alphabet. 

Les phéniciens, un peuple de marchand, s'en emparent et à travers leurs périples en Mer, l'alphabet va traverser les frontières et gagner de multiples contrées. Les grecs et les romains vont à leur tour adopter ce système novateur. Au fil des années, l'alphabet se métamorphose, suite aux adaptations des différents peuples, et devient celui que nous connaissons.Les alphabets grecs, latins, hébreux, arabes... ont la même origine. 

Les Égyptiens vont comprendre rapidement que pour gérer un État aussi vaste, l'écriture est essentielle mais sur quel support écrire. Le long du Nil, une plante pousse, le papyrus. Après un traitement adéquat, la plante devient un support suffisamment solide pour apposer son écriture et peut se plier. Pour écrire sur le papyrus, les égyptiens puis les romains utilisent un calame taillé dans le roseau. Rome était une civilisation très cultivée et lettrée, les amoureux de littérature pouvaient se fournir en livres chez le librairie ou s'approvisionner à la bibliothèque.

La chute de l'Empire Romain coïncide avec l'arrivée d'un nouveau support pour l'écriture, le parchemin. Le livre objet commun devient un objet rare et précieux, à cause du prix plus élevé du parchemin comparativement au papyrus. Le parchemin est fait à partir de peaux de moutons ou de chèvres. Avec ce nouveau support, il devient alors possible de coudre les pages ensemble et de relier le tout. Ils écrivent avec des plumes d'oiseau et plus avec un calame taillé dans un roseau. 

Le coût et le temps de production d'un livre du Moyen-Âge rendent l'accès aux livres plus restreint. De ce fait, l'alphabétisation recule en comparaison de la période de l'Antiquité. 

En Chine se développe une écriture singulière, ses composants sont considérés comme les 4 trésors du lettré. Il s'agit du papier, conçut à partir de bambou, du pinceau, de la pierre d'encre et l'encre. La Chine a été la nation pionnière du papier, au IIème siècle. À partir du VIIème siècle, le papier un élément essentiel dans la civilisation chinoise. Toujours au VIIème siècle, la Chine développe l'impression au bloc de bois, chaque page de texte est tracée sur un bloc de bois, puis, découpée par un artisan. Ensuite, le bloc de bois produit, une feuille de papier est apposée et absorbe le texte. Les pages sont cousues et forment un livre peu cher. 

En 750, le Califat abbasside défait les chinois de la dynastie Tang, cette victoire militaire permet aux musulmans de mettre la main sur le papier chinois. Chaque jour, les musulmans de la région peuvent produire des millions de page d'écriture, ça va leur permettre de poser les bases de leur vie culturelle, religieuse et intellectuelle. 

Les cinq siècles qui suivirent sont considérés comme l'âge d'or islamique. Les érudits musulmans font des découvertes en biologie, médecine, astronomie et mathématiques.

 Entre 1424 et 1429, Ulugh Beg fait construire, à Samarcande, un observatoire d'astronomie. Cet observatoire est doté d'un sextant souterrain. Ce matériel novateur, à l'époque, a permis de calculer la durée des années solaires. Le monde oriental est très en avance du monde européen. Le monde musulman, bénéficiant d'un papier moins coûteux que le parchemin européen, peut rendre accessible au plus grand nombre ses découvertes. 

En 1448, une invention va changer radicalement nos vies et donner une nouvelle dimension à l'écriture. Un dénommé Gutenberg cherche à produire rapidement et en quantités importantes des textes, l'imprimerie naît. Cette invention est une révolution de l'information, en une journée avec une seule presse, il est possible d'imprimer jusqu'à plus de 2000 pages d'un ouvrage, soit environ 1200 exemplaires d'un livre en deux semaines. Alors que pour un scribe, à l'époque du manuscrit, il fallait une année complète pour un exemplaire d'un seul livre.

Au début du XXème siècle, l'Occident est métamorphosée par la révolution industrielle, entamée au XIXème siècle, l'alphabétisation est en hausse perpétuelle. Alors qu'en Orient, le travail est toujours principalement effectué par la force physique, cette région du monde n'est pas encore touchée par l'industrialisation. Pourtant, la politique va enclencher de grands bouleversements dans les sociétés asiatiques, des révolutionnaires comme Mao en Chine ou Lénine en Russie veulent moderniser leur société respective. 

Au XIXème siècle, les États musulmans d'Asie centrale sont absorbés par la Russie tsariste en expansion. Leurs langues sont cependant toujours écrites en arabe, comme depuis le VIIIème siècle. Néanmoins, un bouleversement politique va transformer ces sociétés suite à la révolution bolchévique menée par Lénine, et l'effondrement des Tsars, en 1917. Le gouvernement communiste soviétique entend moderniser et laïciser tous les aspects de la société, ce qui passe par une réforme de l'alphabet. Les régions musulmanes de l'ancien empire russe abandonne l'alphabet arabe pour un alphabet latin. Lénine entraînera également une simplification de l'alphabet russe, cyrillique. Il vise à lutter contre l'analphabétisme qui touche 80% de la société de l'époque. 

À la mort de Lénine, Staline entreprend de nouvelles réformes concernant l'alphabet, il délaisse l'alphabet latin et repasse au cyrillique. Le nouveau dirigeant soviétique entend par là renforcer l'unité soviétique autour de la Russie. 

En 1991, avec la chute de l'URSS, l'Ouzbékistan devient indépendante. Karimov, leader politique ouzbek, entame à son tour une réforme de l'écriture. Il abandonne le cyrillique pour l'alphabet latin. Karimov vise avec ses réformes à se rapprocher de l'Europe, marquer une scission avec la Russie et affirmer une identité ouzbek propre. 

La Chine, quant à elle, utilise la même écriture depuis 3000 ans. Pourtant, le régime Maoïste a tenté de la simplifier. Au début du XXème siècle, la Chine n'était pas encore industrialisé et la population suivait un mode de vie traditionnel. Face à sa faiblesse économique, la Chine voit les puissances occidentales et le Japon lorgnait sur son territoire et ses richesses. Le 4 Mai 1919, le peuple chinois, principalement les étudiants, se rebellent contre les colons, notamment japonais. Ces événements conduiront à un trouble de 3 décennies en Chine. Les communistes chinois envisagent une grande réforme de leur alphabet pour le simplifier, ils se tournent vers Moscou et Lénine. Puis, dans les années 1930, la Chine cherche à s'appuyer sur l'alphabet latin pour écrire le chinois, les communistes chinois, dont un certain Mao, sont de fervents défenseurs de cette possibilité, selon eux, cette réforme permettrait de faire reculer l'illettrisme. Durant la Révolution, Mao et les communistes relaient l'écriture chinoise basée sur l'alphabet latin, leur presse est écrite dans cet alphabet et traduite dans l'alphabet chinois traditionnel. 

L'un des obstacles qui empêchera Mao de mettre l'alphabet latin en place dans toute la Chine est les différents dialectes opérants. De nombreux chinois auraient eu de trop grandes difficultés pour changer radicalement d'alphabet, de plus l'alphabet traditionnel permet une unité du peuple. Quand Mao accède au pouvoir, en 1949, son projet est déjà enterré. Néanmoins, il compte lutter contre l'analphabétisation importante en Chine. 

L'écriture arabe en alphabet latin, souvent appelée translittération, consiste à représenter les sons de la langue arabe à l'aide des lettres latines. Cela permet de transcrire des mots arabes pour les rendre lisibles à ceux qui ne maîtrisent pas l'alphabet arabe. Par exemple, "سلام" (salam, paix) est translittéré en "salaam" ou "salam". Plusieurs systèmes existent mais des variations informelles sont courantes, surtout dans les messages ou sur les réseaux sociaux. Cela facilite la communication sans nécessiter l'apprentissage de l'écriture arabe.

L'écriture du chinois en alphabet latin, appelée pinyin, est un système de romanisation utilisé pour transcrire les sons du mandarin standard. Il représente les caractères chinois avec des lettres latines et inclut des marques diacritiques pour indiquer les tons. Par exemple, "你好" (nǐ hǎo, bonjour) est transcrit en pinyin. Le pinyin est largement utilisé pour l'apprentissage du chinois, la saisie informatique et la communication avec les non-sinophones.

"Livre du ciel", œuvre emblématique de l'artiste chinois Xu Bing. Il a inventé 4 000 caractères pseudo-chinois faux, indéchiffrables, gravés sur bois et imprimés en livres et rouleaux, imitant les éditions classiques. Elle critique l'opacité du langage et de la culture chinoise, rendant le texte "sans sens" pour tous et interroge l'identité linguistique dans la Chine post-Mao. Exposée mondialement, elle évoque un temple immersif de signes vides de mots.

Xu Bing a également écrit "L'histoire sans mots", un roman narratif composé exclusivement d'icônes, pictogrammes et émoticônes. L'œuvre raconte l'histoire d'une journée ordinaire d'un homme, accessible sans aucune langue écrite, pour démontrer le potentiel d'un langage universel visuel. Inspiré par ses voyages en aéroports où les signes sont compris par tous, c'est une suite conceptuelle à "Livre du Ciel", remplaçant les caractères illisibles par des symboles quotidiens.

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