Terra Australis et Terra Doloris

 


Résumé

Terra Australis est une bande dessinée historique qui retrace l’épopée de la fondation de l’Australie à la fin du XVIIIe siècle. Cette œuvre ambitieuse relate la déportation d’environ 1 500 hommes et femmes, principalement des bagnards, depuis l’Angleterre vers une terre encore largement inconnue, appelée Bandaiyan par les aborigènes et découverte par Cook quelques années plus tôt. Ce voyage, entrepris en 1787 à bord de 11 navires sur plus de 24 000 km à travers trois océans, aboutit à la création de la colonie pénitentiaire de Nouvelle-Galles du Sud en 1788, sous le commandement du capitaine Arthur Phillip.L’histoire débute dans un Londres miséreux, où les prisons surpeuplées poussent les autorités britanniques à envisager la déportation comme solution pour désengorger les geôles et coloniser un nouveau territoire face à la concurrence européenne, notamment française. Le récit suit plusieurs personnages, réels et fictifs, pour offrir une mosaïque de points de vue : John Hudson, un orphelin de neuf ans condamné pour vol ; Caesar, un ancien esclave américain à la stature imposante ; le lieutenant Ralph Clark, déchiré par la séparation d’avec sa famille ; ou encore Bennelong, un aborigène qui devient un intermédiaire avec les colons. À travers ces figures, l’album explore les conditions de vie des déportés, les tensions à bord des navires, les défis de la colonisation, et les premiers contacts avec les aborigènes, marqués par des incompréhensions culturelles et des conflits.Le scénario couvre toutes les étapes de cette aventure : l’organisation de l’expédition, le voyage maritime, l’arrivée à Botany Bay, et les débuts de la colonie. Il met en lumière les enjeux politiques, sociaux et humains, tout en abordant des thèmes comme le colonialisme, les injustices sociales en Angleterre, et l’impact de l’arrivée des Européens sur les populations autochtone. Avec eux, les anglais amènent la variole, elle fera des ravages considérables chez les autochtones.

Analyse

Rigueur historique et ambition narrative : Terra Australis se distingue par son travail de documentation exceptionnel, fruit de cinq ans de recherche de la part de Bollée. Le scénariste mêle habilement des personnages historiques (comme Arthur Phillip ou Lord Sydney, qui donnera son nom à la ville) à des figures fictives, offrant une fresque réaliste et immersive. Cette approche permet de rendre l’histoire accessible tout en respectant la complexité des événements. L’album aborde des sujets variés : conditions de vie dans les prisons anglaises, organisation des expéditions maritimes, politique impérialiste britannique, et relations avec les aborigènes. Cette richesse thématique en fait une œuvre pédagogique et captivante. Multiplicité des perspectives : En suivant des personnages de différentes origines (bagnards, officiers, aborigènes), Bollée évite un récit monolithique. Cette polyphonie permet d’explorer les motivations, les espoirs et les désespoirs de chaque groupe, offrant une vision pointilleuse de la colonisation. Par exemple, le personnage de John Hudson incarne l’injustice du système judiciaire anglais, tandis que Bennelong illustre les bouleversements subis par les aborigènes face à l’arrivée des colons.

Thèmes et portée: Terra Australis est bien plus qu’un simple récit historique. L’album interroge les dynamiques du colonialisme, montrant à la fois la naissance d’une nation (l’Australie moderne) et la destruction d’une civilisation (celle des aborigènes). Il met en lumière les injustices sociales de l’Angleterre du XVIIIe siècle, où des enfants comme John Hudson étaient condamnés à la déportation pour des délits mineurs, et explore les tensions entre les idéaux des Lumières, portés par des figures comme Arthur Phillip, et la brutalité du projet colonial.L’œuvre questionne également la notion de « nouvelle chance » : pour certains bagnards, la déportation représente une opportunité de rédemption, mais pour les aborigènes, elle marque le début d’une tragédie. Ce contraste entre espoir et désespoir, entre progrès et destruction, confère à l’album une profondeur universelle. Conclusion: Terra Australis est une fresque historique magistrale qui combine rigueur documentaire, ambition narrative et puissance visuelle. L'œuvre de Bollée et Nicloux se distingue par sa capacité à raconter une épopée humaine tout en posant des questions éthiques sur le colonialisme et les injustices sociales. C’est une lecture exigeante mais captivante, recommandée pour ceux qui souhaitent découvrir l’histoire de l’Australie à travers une perspective à la fois épique et nuancée.



Résumé
Terra Doloris est la suite de Terra Australis, poursuivant l’exploration de la colonisation de l’Australie à la fin du XVIIIe siècle. Cette bande dessinée se concentre sur les années suivant l’établissement des premières colonies britanniques en Nouvelle-Galles du Sud, après l’arrivée de la First Fleet en 1788. Alors que Terra Australis décrivait la déportation et les débuts de la colonisation, Terra Doloris s’intéresse aux tentatives d’évasion des bagnards, aux conditions de vie précaires des colons et à l’impact dévastateur sur les aborigènes.L’histoire suit principalement deux figures historiques : Mary Bryant, une jeune déportée pour vol, qui tente une évasion audacieuse avec son mari, leurs deux enfants et d’autres bagnards, et Thomas Muir, un avocat écossais exilé pour sédition, cherchant à regagner sa liberté. Leurs périples, marqués par des voyages périlleux à travers les océans, croisent des événements majeurs comme la révolte du Bounty, la Révolution française ou le siège de Cadix. D’autres personnages, comme le capitaine Edward Edwards, chargé de traquer les mutins du Bounty, enrichissent la fresque.
Le titre, Terra Doloris (« Terre de douleur »), reflète la dureté de cette période : les colons affrontent famine, maladies et pendaisons fréquentes, tandis que les aborigènes subissent la destruction progressive de leur mode de vie. L’album met en lumière les désillusions des déportés, pour qui l’Australie, loin d’être une terre de rédemption, devient une prison à ciel ouvert, et explore les tensions entre colons, autorités britanniques et populations autochtones.
Analyse
Documentation historique irréprochable : Comme pour Terra Australis, Bollée s’appuie sur une recherche minutieuse, intégrant des figures historiques (Mary Bryant, Thomas Muir, Edward Edwards) et des événements réels (mutinerie du Bounty, exploration maritime). Cette rigueur donne au récit une profondeur qui éclaire les dynamiques politiques et sociales de l’époque, notamment l’impérialisme britannique et ses conséquences.
Récit polyphonique et ambitieux : L’album suit plusieurs destins entrelacés, offrant une vision nuancée de la colonisation. Mary Bryant incarne le courage face à l’adversité, tandis que Thomas Muir représente l’idéalisme confronté à l’injustice. L’interlude aborigène, bien que bref, donne une voix aux autochtones, soulignant leur tragédie face à l’invasion européenne. Cette multiplicité des perspectives enrichit le récit.

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