Laoway
Introduction à la série Laowai
Laowai (qui signifie « étranger » en mandarin) est une trilogie de bande dessinée historique. Elle retrace un épisode méconnu de l'histoire : la Seconde Guerre de l'opium (1859-1860), où la France, aux côtés de la Grande-Bretagne, mène une campagne contre l'Empire chinois pour protéger un trafic d'opium lucratif. Au cœur du récit, François Montagne, un jeune soldat français, vit un parcours initiatique de désillusion, mêlant aventure épique, rigueur documentaire et réflexion sur les ambiguïtés morales de l'impérialisme. L'œuvre fusionne fiction et faits historiques vérifiés, avec un style graphique influencé par les estampes chinoises pour une immersion visuelle.
Tome 1 : La guerre de l'opium
Résumé : En 1859, la France et l'Angleterre préparent une nouvelle expédition contre la Chine pour imposer des traités commerciaux favorables. François Montagne, un jeune soldat de l'infanterie de marine, s'engage avec son ami Jacques Jardin pour rejoindre le contingent. Motivé par le goût de l'aventure et le désir de venger son parrain, un missionnaire français décapité en Chine, François découvre peu à peu les véritables enjeux : la guerre masque un trafic d'opium florissant, cultivé en Inde pour déséquilibrer l'économie chinoise et financer les importations européennes. Le tome suit les préparatifs rigoureux (seuls les plus endurants sont sélectionnés parmi les volontaires attirés par la solde et les congés), l'embarquement vers Shanghai et les premières escarmouches, posant les bases d'un conflit aux motivations cyniques.
Analyse : Ce premier volume excelle dans l'introduction des enjeux, alternant entre le souffle d'aventure classique (missions périlleuses, camaraderie militaire) et une critique subtile de l'hypocrisie coloniale. Le scénario d'Alcante et Bollée pose un rythme haletant sans sacrifier la profondeur psychologique de François, dont l'idéalisme romantique est progressivement ébranlé. Le dessin de Besse, avec ses planches aérées et ses détails historiques précis (uniformes, navires, décors impériaux), évoque les gravures d'époque, rendant la Chine à la fois exotique et tangible. C'est un tome réussi qui évite la facilité narrative, alliant classicisme des grandes BD historiques et intrigue solide pour accrocher le lecteur dès les premières pages
Tome 2 : La bataille de Dagu
Résumé :François Montagne, désormais immergé dans le conflit, affronte les horreurs de la campagne militaire, culminant avec la bataille de Dagu, un assaut naval et terrestre décisif contre les forts côtiers chinois. Révolté par la découverte que ses supérieurs exploitent la guerre pour un trafic d'opium odieux, il navigue entre obéissance et rébellion personnelle. Le récit élargit le champ en explorant les coulisses chinoises : intrigues à la cour impériale, débats sur la résistance face aux « barbares occidentaux », et rencontres inattendues qui humanisent l'ennemi. Des éléments comme les fumeries d'opium introduisent des hallucinations et des tensions psychologiques, tandis que les opérations tactiques avancent vers Pékin. Le protagoniste, afin de révéler le scandale du trafic d'opium, décide de tout confier à une journaliste française, présente sur place. Les révélations ne pourront avoir lieu, des soldats mettent le feu à ses documents.
Analyse :Ce tome approfondit le désenchantement de François, transformant l'aventure en un thriller géopolitique où les lignes morales s'estompent. Les auteurs excellent dans l'équilibre entre action et introspection, avec des scènes d'opium qui ajoutent une dimension onirique sans alourdir le rythme. Le trait de Besse gagne en intensité, capturant la chaos des combats et la majesté déclinante de l'Empire, tout en maintenant une fidélité documentaire (architectures, uniformes). À travers la journaliste, les auteurs évoquent la censure de la presse orchestrée par l'Empire et l'armée.
Tome 3 : La chute du Palais d'été
Résumé :À Tianjin en septembre 1860, François Montagne vit les heures décisives de la campagne finale. Désillusionné, il est impliqué dans l'avancée vers Pékin et la prise du Palais d'été, symbole de la splendeur impériale, qui est pillé et incendié par les forces franco-britanniques. Le tome culmine avec les intrigues au sommet (impliquant l'impératrice Cixi) et les manipulations de l'opinion publique en Europe. François, confronté à ses propres limites morales, boucle son arc narratif sur une note de lucidité amère, soulignant comment la victoire masque un vol et une humiliation profonde pour la Chine.
Analyse :Fin magistrale qui élève la série en une réflexion acerbe sur les « guerres sales » oubliées des manuels scolaires, évoquant même les critiques de Victor Hugo à l'époque. Le scénario boucle les arcs avec maestria, évitant les manichéismes en montrant les engrenages moraux piégeant tous les acteurs. Besse livre des planches épiques pour le sac du Palais, mêlant beauté et barbarie, tandis que le rythme accéléré intègre action et émotion. Ce tome, passionnant et documenté, achève un parcours initiatique poignant, critiquant les dynamiques de pouvoir économique persistantes
Analyse globale
Laowai est une réussite d'ensemble, un roman graphique autonome qui ressuscite un pan sombre de l'histoire française avec intelligence et souffle épique. Les auteurs, aidés d'historiens et de sinologues, conjuguent aventure et rigueur historique, pour une œuvre qui interroge l'héritage colonial sans moralisme lourd. Le dessin de Besse, dense et évocateur, et la complémentarité scénaristique d'Alcante-Bollée en font une fresque visuellement et narrativement riche, louée pour sa lucidité sur les ambiguïtés des conflits impérialistes. Idéale pour les amateurs d'histoires historiques immersives, elle révèle un trauma chinois peu connu en Occident, tout en offrant un plaisir de lecture
https://youtu.be/lveaatxEFN8
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